Bénévole chez Pop’ Média, Virginie Picagne est la réalisatrice du podcast Soyons In !, un projet qui donne la parole aux personnes en situation de handicap. À travers ces récits de luttes et de résilience, elle cherche à changer les perceptions et à encourager l’inclusion, tout en redonnant à chacun sa place, au-delà des idées reçues. Dans cette interview, Virginie revient sur son parcours, les coulisses du podcast et son ambition de créer du lien, ici et ailleurs.
Virginie, peux-tu te présenter ?
Néonantaise, je suis bénévole chez Pop’ Média depuis deux ans. Ayant travaillé dans le secteur de la communication, je suis passionnée par, la veille technologique l’innovation et les évolutions de notre société, qu’elles soient sociales, culturelles ou sociétales, à l’échelle individuelle comme collective.
De par mes connaissances dans le domaine de la communication, l’écriture a toujours été centrale pour moi : articles, billets d’humeur, dossiers de fond… c’est un mode d’expression que j’affectionne particulièrement.
Pourquoi avoir choisi le format podcast comme moyen d’expression ? Quels sont ses avantages, ses particularités ?
Comme évoqué, j’ai évolué dans un univers très centré sur l’écrit, mais avec l’essor du numérique, les formats ont changé : web, réseaux sociaux… Il a fallu s’adapter et s’adapter aux nouvelles habitudes des personnes.
Et puis j’ai découvert le podcast — d’abord comme auditrice, puis comme créatrice. Ce format m’a tout de suite séduite : il est souple, libre, très créatif. On choisit le ton, la durée, le rythme.
C’est aussi un média pratique et intime. On peut l’écouter en voiture, dans le tram, à vélo… Et quand on le crée, on établit une vraie proximité avec l’auditeur·rice. On parle, en quelque sorte, au creux de son oreille.
Comment est née l’idée de Soyons In ! ? Peux-tu nous parler de l’évolution du projet ?
À la suite d’une maladie neurologique, je me suis retrouvée en situation de handicap moteur. Lors de ma rééducation à l’hôpital Saint-Jacques, j’ai rencontré de nombreuses personnes en fauteuil roulant.
Curieuse de connaître leur histoire, j’ai commencé à échanger avec elles. Très vite, j’ai compris qu’il y avait derrière chaque fauteuil une personne, avec un parcours de vie unique.
C’est ce qui m’a donné envie de monter un projet. Ces échanges m’ont aussi aidée à répondre à mes propres questions face à une situation nouvelle et angoissante.
Au départ centré sur le handicap moteur, le projet s’est élargi à l’ensemble des grandes familles de handicap : moteur, sensoriel, cognitif, psychique et mental.
Pourquoi avoir choisi le titre Soyons In ?
J’aurais pu opter pour un titre très explicite, comme « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le handicap sans jamais oser le demander », mais Soyons In s’est imposé. C’est d’abord un clin d’œil à l’inclusion, avec le préfixe « in ». C’est aussi une invitation à faire tomber les barrières, à changer de regard. Et puis, il y a ce jeu de mots : être in, être dans l’air du temps. Finalement, Soyons In, c’est donner la parole à celles et ceux qu’on n’entend pas assez et leur rendre leur juste place.
Comment choisis tu les personnes que tu invites et les thématiques ?
En réalité, je ne choisis pas vraiment : je fonctionne à l’intuition. Il suffit de lever les yeux, d’être curieuse, de s’intéresser aux autres.
En France, 12 millions de personnes sont en situation de handicap, dont près de 7 millions présentent une forme de handicap lourd. C’est une personne sur dix : on en croise partout, parfois sans le savoir.
Certaines rencontres se font par hasard — Arnaud, par exemple, dans le tout premier épisode, a une sclérose en plaques comme moi. D’autres sont le fruit de discussions dans la rue, comme Charline. J’ai aussi des ami·es qui me mettent en contact, comme Florence avec Nadine.
D’autres rencontres se font lors d’événements, comme une retransmission des Jeux paralympiques organisée par Pick Up Production, où j’ai échangé avec plusieurs personnes non-voyantes. Aussi, dans d’autres lieux de rencontres, comme mon habitat participatif. Nous sommes 80 personnes, dont certaines concernées par différents types de handicap.
Bref, il suffit d’être attentif. Les histoires sont partout autour de nous.
Quels sont les objectifs principaux de Soyons In ! ? Quel impact espères-tu sur les auditeur·rices ?
L’objectif est simple : contribuer à l’inclusion et faire en sorte que cette série s’adresse à toutes et tous.
Je veux briser les préjugés, dépasser les représentations figées du handicap, et remettre la personne au centre.
Faire entendre ces voix, c’est aussi favoriser le vivre-ensemble.
Le podcast offre une rencontre sonore : un moment suspendu pour écouter une histoire de vie, un rêve, un combat… Sans pathos, avec dignité et authenticité.
Et cette idée de rencontre est essentielle. Un sondage IFOP réalisé fin 2024 montre que pour près de 50 % des personnes interrogées, la rencontre est le premier levier d’inclusion.
Aller vers l’autre, l’écouter, c’est déjà faire un pas vers une société plus inclusive. C’est exactement ce que Soyons In ! essaie de créer : une passerelle, un lien, une oreille tendue.
Un témoignage qui t’a particulièrement marquée ?
La rencontre avec Margot. Elle vit avec le nanisme et mesure 1m20 — comme moi depuis que je suis en fauteuil.
C’était la première fois que je pouvais regarder une adulte dans les yeux. Un moment très émouvant.
Cette rencontre m’a aussi fait réaliser à quel point notre représentation du nanisme est biaisée, souvent réduite à des clichés véhiculés par les médias ou le cinéma.
L’histoire de Margot m’a beaucoup touchée. C’est l’une de mes plus belles rencontres.
Qu’est-ce que cette aventure t’a apporté personnellement ? En quoi a-t-elle changé ton regard sur le handicap ?
C’est clairement un projet de reconstruction personnelle. Le handicap, je l’ai côtoyé dans ma famille, mais je l’ai longtemps tenu à distance. Et puis, il a fait irruption dans ma propre vie.
Ce podcast m’aide à apprivoiser cette nouvelle réalité, à la transformer en force. Il me permet de rencontrer, d’apprendre, de transmettre. Il est en parfaite cohérence avec mes valeurs C’est un vrai bonheur de découvrir ces parcours, ces histoires, les différentes formes de résilience. Comme Arnaud, avec la création de l’association et du site Notre Sclérose, Charline et sa détermination dans le tennis fauteuil, ou encore Nadine et son engagement associatif.
Aujourd’hui, c’est devenu une cause qui me tient particulièrement à cœur. Et j’aimerais que Soyons In devienne une passerelle entre des mondes qui, trop souvent, ne se croisent pas.
Des projets pour la suite ?
Oui ! J’aimerais voyager avec mon fauteuil et enregistrer des épisodes à l’international. En France d’abord, puis en Europe — Espagne, Portugal puis plus loin Maroc, Tunisie… et pourquoi pas l’Amérique du Sud.
Ce serait une façon d’explorer comment le handicap est vécu ailleurs, comment les sociétés prennent en compte cette réalité. Et de croiser, ainsi, deux de mes passions : la rencontre et le voyage.